samedi 2 mai 2015

Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs

Par Napoléon Roussel
Lisez la première épître aux corinthiens XV, verset 33 à 58. 
"Ne vous abusez pas : les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs."
Ces paroles comportent un sens plus étendu que celui qu'on leur attribue ordinairement. Ce qui corrompt les bonnes mœurs, ce n'est pas seulement la société habituelle et intime des personnes de mœurs mauvaises, mais c'est encore la simple vue, la seule ouie, l'unique contact de ce qui est mal. Il n'est pas nécessaire d'habiter ou seulement d'avoir des fréquentations avec les méchants ; il suffit de jeter l'œil, de tendre l'oreille ou d'avancer la main sur les œuvres. 
Dans ce sens, la corruption nous poursuit dans nos rues, dans nos demeures et jusque dans la solitude ; elle nous sollicite constamment, nous gagne comme une contagion, nous séduit, nous entraîne avant que nous ayons songé à nous en préserver.
Notre nature a pour le mal une telle affinité, qu'elle s'y précipite et s'y mêle dès qu'elle le rencontre ; notre cœur est une éponge qui se sature vite dans le milieu où on le plonge, pourvu que ce milieu soit corrompu. En effet, placez un homme pécheur dans une société de saints ; pensez vous qu'il s'imprégnera bien promptement de la sainteté ? Non. Tout au plus se couvrira-t-il de son vernis, en restant pécheur au fond. Faites l'expérience contraire : placez un homme honnête au centre d'un cercle corrompu, croyez-vous qu'il reste bien longtemps pur de toute mauvaise pensée, de toute mauvaise action ? Non ; il s'habituera avec le temps à la vue du mal, sourira bientôt à l'invitation de l'imiter et finira par se noyer dans cet océan de corruption. 
Pour prouver tout cela, il n'est besoin ni de calcul, ni de raisonnement, il suffit d'écouter sa conscience et de se rappeler sa propre vie. 
S'il en est ainsi, de quelle prudence ne devons-nous donc pas user en marchant à travers un monde corrupteur ! Quelles précautions ne devons-nous pas prendre contre les autres et contre nous-mêmes ! Non, il n'est pas de faiblesse, de vice, j'allais dire de crime, dont je voulusse me déclarer incapable, une fois engagé dans une société dépravée ; et ce qui importe de se rappeler, c'est que, entre cette société et la société des enfants de Dieu, il en est mille autres intermédiaires qu'on redoute moins, mais qui sont, toutefois, sur la même pente, et dont chacune sert d'échelon, non pour monter, mais pour descendre. Nous avons donc à nous garder, non seulement de l'abîme du mal, mais encore de ses abords. 
Peut-être quelques uns, en nous écoutant, se seront-ils dit que ce danger, réel pour l'homme du monde, est nul pour le chrétien. A ces personnes, nous ferons remarquer que Saint Paul ne dit pas que les mauvaises compagnies corrompent les mœurs, mais les bonnes mœurs ; en sorte que c'est à des chrétiens de bonne mœurs qu'il donne ces avertissements. 
Sans doute, un homme converti résistera mieux et plus longtemps à l'entraînement de l'imitation qui gagne si vite l'homme naturel, quand il s'agit du mal ; mais enfin, après une longue lutte où les forces s'épuisent bien loin de se développer, la tentation reviendra, toujours vivace, jusqu'à ce qu'elle enlace et étouffe l'homme converti lui-même. 
Je ne connais qu'une classe de chrétiens qui n'aient rien à craindre de la vue du mauvais exemple : ce sont ceux que désigne le même Apôtre, quand il dit que tout est saint pour les saints. Mais qui de nous oserait s'appliquer ces paroles ? Qui de nous est déjà saint ? Ah ! tout convertis, tout chrétiens que nous sommes, défions-nous de nous-même ; nous ne tomberons jamais par un excès de précaution et nous ne savons pas encore jusqu'où les mauvais exemples peuvent nous entraîner.
Le plus sage est de les fuir, fussions-nous certains d'en approcher cent fois, sans y tomber.

         Source :  Sentinelle Néhémie